La nomination d'Amadou Oury Bah, plus connu sous le nom de Bah Oury, au poste de Premier ministre ouvre une énième période d'espoir au vu de l'expérience de l'homme, mais aussi d'interrogations au regard de notre passé. politique.
Cette fois-ci, il serait préférable, plus que par le passé, de prendre garde. Nous devrions nous mettre à l'abri de tout ce qui nous a fait échouer bien avant cette transition. Nous devrions tout autant prévenir le futur, car point de dissolution si la transition nous avait réussi. Des préalables sont nécessaires pour que cela soit.
Le nouveau Premier ministre doit être l'acteur de la politique gouvernementale.
Si Bah Oury semble être indiqué comme l'homme de la situation, il devrait tout autant éviter qu'on n'en fasse l'objet mais l'acteur de la gouvernance.
La réussite de tout gouvernement dépend largement de facteurs de réussite et d'échecs des précédents et de la capacité de tirer les leçons des nouveaux arrivants. Cependant, cela n’est pas suffisant. Pour une meilleure lecture, il serait intéressant de se référer à l'histoire politique.
Dans notre passé politique, les premiers ministres ont rarement été des acteurs de la politique gouvernementale.
Souvent réduits en exécutants, ils n'ont pas toujours eu la liberté de mener la politique pour laquelle ils ont été choisis. Arrivant en période de crise, sur les réduits, une fois que l'accalmie est revenu, en caisse de résonance de celui qui les a désignés. Cependant, il serait simpliste de réduire l'échec de nos gouvernements sur cet aspect unique. Notre société joue, peut-être, le plus mauvais rôle.
La société guinéenne est très peu encline au changement. Très prompte aux adaptations et aux métamorphoses des plus néfastes, elle se prête à toutes les circonstances et opportunités au détriment des intérêts supérieurs de la nation ou de l'Etat. Cette flexibilité doublée d'une instabilité d'humeur et de manque de conviction a produit au fil des années, des pouvoirs, des systèmes et des présidents inamovibles. Dès lors, nous assistons à un système tentaculaire allergique à toute volonté de progrès.
Sa longévité conduit à la naissance et au développement d'un système dans le système. Les échecs des pouvoirs précédents et le début des ratages du CNRD sont largement imputables au pouvoir souterrain qui mine le pouvoir officiel ou étatique.
Il faudrait jeter un coup d'œil sur les sites et réseaux sociaux pour se faire une idée de la nuisance des locataires de ce système tentaculaire. Dès sa nomination, Bah Oury est subitement devenu l'ami de tout le monde.
Partout des éloges, des superlatifs au point de faire peser sur ses épaules, avant même la nomination du gouvernement, un poids au-delà de sa mission.
Nous assistons, dans une sorte d'envolée non pas médiatique, mais prophétique, à des prédictions et des suggestions de tout genre. À se poser la question de savoir s'il a demandé qu'on lui trace sa feuille de route.
S'il est bien normal et logique d'accueillir un promu, d'exprimer des souhaits, des attentes, des espoirs, il serait tout aussi préférable de relever des craintes et des risques d'échec. Il souhaiterait également rappeler le début et la limite des missions. Enfin, il faudrait se questionner sur les prérogatives.
Le nouveau Premier ministre, un homme qui à l'étoffe et la carrière politique qui est à la situation ?
Pour camper cet aspect qui semble faire l'unanimité autour du nouveau Premier ministre, nous devons nuancer en faisant la part de l'homme, celle des citoyens et de l'Exécutif. Autrement dit, Bah Oury sera ce que nous ferons, nous citoyens et le pouvoir.
Si actuellement, le nouveau Premier ministre est au-devant de la scène, comme bien d'autres avant, c'est aux Guinéens de lui faire jouer la bonne partition. C'est au CNRD de concrétiser la confiance qu'il lui accorde en le laissant assumer le rôle de chef d'orchestre. Dès lors, l'expérience et l'ambition aidant, il pourrait trouver la bonne note pour une meilleure symphonie qui vaille pour nous : citoyens et pouvoir.
Pour que cela soit possible, nous devons nous quitter de certaines habitudes qui nous collent à la peau depuis des décennies : ethnocentrisme, régionalisme, gabegie, corporatisme, clientélisme, culte du chef, cours aux postes, etc. Si nous enfermions le Premier ministre dans cette chaîne de maux qui nous talonnent, il serait pris en otage, et à coup sûr, s'exposerait à l'échec. Ses précédents, n'ont-ils pas payé les frais ?
Un Premier ministre en lui seul, pas plus qu'un gouvernement en soi, ne relèvera les défis qui nous accablent. C'est la conjugaison de tous les efforts qui nous permettent de dire : enfin, ceux qui nous gouvernent nous mènent à bon port. Cette attente ne saurait incomber qu'aux simples citoyens.
Une liberté de manœuvre est souhaitable.
Aucun projet de gouvernement ne saurait réussir si celui qui doit le mener n'a pas les mains libres et ses actions surveillées à la loupe. La confiance qui a prévalu à la nomination doit être de mise dans l'exécution des actions gouvernementales.
Le président de la transition en tête et le CNRD devraient laisser la liberté de manœuvre au Premier ministre en lui donnant les coudées franches. En provoquant toute interférence dans les prises de décision qui relèveraient de son domaine. Pour cela, son statut de chef du gouvernement doit être respecté à la lettre.
Une telle reconnaissance éviterait bien des scénarios que nous avons connus entre deux ministres du gouvernement défunt, par exemple. Elle donnerait plus de légitimité au Premier ministre et plus de hauteur au chef de l'Exécutif.
Du respect des rôles, missions, statuts et de la cohésion au sommet naîtront l'efficacité dans l'exécution des décisions, facteur de la bonne gouvernance. En effet, c'est de la cacophonie au sommet qui provient de la pagaille de la base. L'une induit l'autre et les conséquences, tout naturellement néfastes, impactent toute la chaîne de décision et d'exécution ou de gouvernance. Pour éviter cela, les prérogatives devraient être respectées. Ainsi, le Premier ministre doit rendre compte, comme cela se doit, à son mandataire, et tous les ministres-ceux issus du CNRD comprennent-seront sous l'autorité du premier d'entre eux.
Du prochain gouvernement, la dissolution donnera toute son explication.
L'aspect externe ou la partie visible de la dissolution émane de l'irréductibilité de positions de deux poids du gouvernement déchu. La crainte de pourrissement et ses retombées accélérerait le débarquement du navire Gomou.
Les aspects internes sont sûrement plus complexes. Leur explication proviendra du prochain gouvernement. S'agit-il d'une manœuvre dilatoire comme le prétendent certaines critiques de la transition ? D'une stratégie qui viserait à prolonger cette dernière comme le soupçonnent les mêmes détracteurs ? Ou, au contraire d'une volonté manifeste de changement de cap. D'une envie de réorientation du processus de la transition, de sa finalité et de son terme ?
Une bonne partie des réponses à ces interrogations et bien d'autres seront connues dans les jours qui viennent. Du nombre de sortants réintégrés, du visage des nouveaux entrants, les Guinéens se feront une lecture de l'objet de la dissolution. Leur lanterne, comme l'on dit, sera éclairée et la transition dira son fin mot. Pas le dernier, bien sûr. Maisyles indications seront lisibles et les intentions limpides ou, elles seront au contraire ou, elles seront au contraire floues et incompréhensibles.
Nous risquons, espérons-le, très peu d'être dans le dernier cas de figure, car on ne change pas un gouvernement pour la simple raison de ne plus voir certaines têtes. Il y a incontestablement un projet, pensé en avant, mûri entre quatre murs, préparé par certaines têtes, ou si l'on veut, certains gradés, derrière la dissolution.
Le souhait des Guinéens serait qu'il s'agisse cette fois-ci de sortir et, la transition et le pays, de la torpeur. De mettre un terme à la cacophonie gouvernementale. De tracer une nouvelle voie consensuelle, apaisante, réunificatrice, constructive pour tous. Une voie qui allégerait tant les esprits que le panier de la ménagère qui se remplit actuellement plus de soucis que de condiments.
Enfin, la composition du nouveau gouvernement devrait montrer à nos compatriotes que l'issue sera celle voulue, négociée et acceptée par toutes les composantes politiques, civiles, syndicalistes du pays. Elles devraient sceller une fois pour toutes la confiance (que nous avons évoquée dans d'autres écrits) entre les civils et les hommes en tenue, quel que soit leur corps. De cela dépendra de l’avenir du pays et de la transition. Une transition qui est sur beaucoup de lèvres et qui est suspendue à une condition fondamentale.
Bah Oury doit réussir la fin de la transition pour préserver le pays de tout risque.
Bah Oury serait le premier des premiers ministres du CNRD selon certains observateurs. C'est l'échéance de sa nomination qui aurait été retardée pour des facteurs ou raisons qui tiendraient du pouvoir. Ce dernier, prétend-on, n'a pas voulu sortir son joker d'entrée de jeu. Cela aurait conduit à le garder sous la manche.
Quoi qu'il en soit, la nomination d'un Premier ministre ne résout pas tout. Les liens, non pas présents, mais futurs entre les deux têtes de l'Exécutif sont déterminants dans la réussite de la gouvernance. Le contexte politique devant être pris en compte.
Un contexte que nous avons abordé dans nos écrits précédents. Au besoin, se référer à notre article : « Dix solutions pour une période post-dissolution du 28 février 2024 ». En plus de cet aspect, il devrait également identifier et reconnaître qui sont les vrais détenteurs du pouvoir au risque de fausser bien de choses.
Force est de reconnaître que les membres du Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD) sont les décideurs. Et pour cause, ce sont eux qui sont allés au moulin, comme ils le font prévaloir.
En outre, les images télévisées lors de la lecture du décret de dissolution du 19 février 2024 montrent éloquence que la transition ne sera que ce qu'ils voudront en faire. Qu'un Premier ministre risque plutôt d'être un accompagnateur qu'un initié. Cependant, un tel positionnement ne présage pas nécessairement l'échec. Il peut être un facteur de réussite si la concertation est installée, les prérogatives, comme nous l'avons souligné, respectées.
C'est la nature des liens au sommet qui détermine la suite de la nomination et pose les jalons d'un nouveau souffle, source d'espoirs pour le pays. Cependant, nous devrions être prudents, patients et compréhensifs. Les ratages évoqués, à tort ou à raison, des deux ans de transition ne risquent pas d'être rattrapés du jour au lendemain.
Le nouveau Premier ministre doit prendre ses marques et son mandataire revoir une partie de la copie. La posture ne suffisant pas, l’un et l’autre devraient s’accorder sur une chose des plus évidentes. Une cacophonie au sommet dépeindrait sur la cité et risquerait de noyer la transition. Et non plus, cette fois-ci, un gouvernement pour la simple raison qu’on ne saurait aller plus loin que dissoudre. Cela a été une fois et, peut-être, uniquement chez nous et nous voyons mal comment on pourrait inventer un autre vocable.
Il ne reste plus qu’à espérer que l’alliance de l’expérience individuelle, professionnelle et politique, la maturité due à l’âge et aux bosses de la vie, auront adouci les uns et les autres. Ces facteurs qui construisent l’écoute, conduisent à la pondération, façonnent et entretiennent la personnalité sont peut-être les atouts au bénéfice du nouveau Premier ministre. S’ils sont judicieusement exploités, ils sauveront le navire.
Tel est notre espoir de citoyen attaché à l’issue profitable d’une transition qui nous a sortis, quoi qu’on prétende, d’une impasse politique en septembre 2021.
Pourvu que nous retrouvions tous ensemble le chemin de la certitude d’une succession démocratique, fruit d’un consensus national.
Par Lamarana Petty Diallo
lamaranapetty@yahoo.fr